[DECRYPTAGE] IRM & grossesse : quels risques liés aux champs électromagnétiques et au Gadolinium ?

Julie Kabil, PhD
Anou Sewonu, PhD

Introduction

L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est une modalité de choix pour l’étude de nombreuses pathologies, car elle permet de produire des images de très haute qualité sans exposition aux rayonnements ionisants. Pour autant, cette technique d’imagerie n’est pas exempte de risques : citons les rayonnements non ionisants et leurs effets, le phénomène d’effet projectile occasionnant des accidents, et l’exposition au produit de contraste.

Les risques liés aux champs magnétiques et électromagnétiques 1,2 et ceux associés aux produits de contraste3,4 sont aujourd’hui pour la plupart bien connus et bien documentés. Nous effectuons une veille régulière sur ces questions au fur et à mesure de l’avancement des connaissances. Dans ce document, nous traiterons particulièrement des risques associés à un examen IRM au cours de la grossesse, avec ou sans injection de produits de contraste, en nous basant sur des études et consensus scientifiques.
Risques liés aux champs magnétiques et électromagnétiques en IRM
Rappelons brièvement les champs et risques présents en IRM : pour générer des images, l’appareil d’IRM émet un champ magnétique statique intense et permanent, des champs électromagnétiques de radiofréquence ainsi que des champs à gradients commutés (encore appelés gradients d’acquisition). Le champ magnétique statique peut engendrer d’une part des accidents par effet projectile (si un objet ferromagnétique est amené dans la salle d’IRM), d’autre part des dérèglements de dispositifs médicaux implantés tels que les stimulateurs cardiaques, mais également des phénomènes bénins et transitoires comme des sensations de vertiges1.
Les champs de radiofréquence peuvent induire des échauffements, des brûlures et également des perturbations de dispositifs médicaux actifs2
En IRM, le Specific Absorption Rate (SAR) ou Débit d’Absorption Spécifique (DAS) est utilisé pour caractériser le dépôt de puissance véhiculée par ces champs dans les tissus. Enfin, les gradients d’acquisition peuvent générer un bruit acoustique très intense, ainsi que des Stimulations Nerveuses Périphériques qui se manifestent par des mouvements involontaires, des fourmillements, ou des crampes2.
Risques liés aux produits de contraste à base de gadolinium
Le Gadolinium est un élément chimique faisant partie des métaux lourds. Grâce à ses propriétés paramagnétiques, il permet de modifier la relaxivité des protons 1.
H et d’obtenir des images en pondération T1 avec des temps d’acquisition raccourcis. Comme tous les métaux lourds, il peut être toxique pour un organisme vivant. Afin d’être administré en toute sûreté, le Gadolinium est complexé avec un ligand par le processus de chélation, formant ainsi un produit de contraste à base de Gadolinium (PCBG). La stabilité de la liaison Gadolinium-Ligand est essentielle pour éviter une libération de Gadolinium libre dans l’organisme. Les PCBG sont injectés par voie intraveineuse, passent assez rapidement vers la matrice extracellulaire et doivent être relativement rapidement éliminé par voie rénale (≈ 1.5h). En théorie, les PCBG ne passent pas la barrière hémato-encéphalique (BHE) saine. Concernant les effets indésirables liés aux PCBG, le risque le plus notablement identifié est celui de fibrose systémique néphrogénique, qui est une pathologie pouvant affecter les patients souffrant de fortes insuffisances rénales3,4. Des cas de nausées, céphalées et de paresthésies ont été également rapportés4. Toutefois, de nouveaux risques associés à ces produits ont été découverts depuis les années 2010. En effet, il a été démontré que certains PCBG à molécules linéaires présentent une moins bonne stabilité de la liaison Gadolinium-ligand que les molécules macrocycliques. Face au risque de libération de Gadolinium présenté par les produits linéaires, l’Agence Européenne des Médicaments (AME) a émis des restrictions sur leur utilisation en 20175.
Par ailleurs, la présence de Gadolinium a été mise en évidence dans le cerveau 6 , le foie 7 , la peau 8 et les os 9 de patients dotés d’une fonction rénale normale. Il en découle une interrogation sur les risques de toxicité de ce métal lourd déposé dans ces différents organes, notamment en raison de la très longue période de temps nécessaire à son élimination naturelle. Notons que ces dépôts de Gadolinium ont été mis en évidence autant pour des molécules linéaires que pour des molécules macrocycliques. La recherche est en pleine évolution sur ce sujet qui pourrait se révéler épineux et entraîner des conséquences inattendues sur l’utilisation des produits de contraste à base de Gadolinium.
Femmes enceintes en IRM : examens sans injection de produits de contraste
Lorsque des femmes enceintes passent des examens IRM, elles peuvent subir les effets liés aux différents champs de l’IRM. Alors que l’influence du champ magnétique statique est très difficilement mesurable, la littérature scientifique est riche d’études liées aux risques d’échauffements et au bruit acoustique pour le fœtus. Ainsi en 2006, des travaux basés sur la modélisation numérique ont montré que les niveaux de SAR localisé dans le fœtus peuvent atteindre 40 à 70% du SAR maximal mesuré chez la mère 10. Quant au bruit acoustique, le tissu maternel et le liquide amniotique permettent d’atténuer le niveau sonore. Les hautes fréquences sont bien mieux atténuées que les basses fréquences, lesquelles peuvent même être amplifiées. Le risque de perte auditive est donc théoriquement possible 11. Toutefois, différentes études rétrospectives ont mis en évidence l’absence de différence entre les fœtus dont les mères ont été exposées à l’IRM et ceux dont les mères ne l’ont pas été, pour les risques auditifs 12,13 ainsi que les risques d’anomalies congénitales et de morts fœtales 13,14.
Ces études comparatives de population ont montré que l’exposition aux champs en action en IRM ne semble pas entraîner de préjudices particuliers pour les fœtus. En outre, les résultats publiés indiquent que cette observation est valable à tous les termes de la grossesse 14.
Néanmoins, les pratiques cliniques courantes consistent à recommander l’examen IRM chez la femme enceinte seulement dans des situations de nécessité absolue, encadrées par une analyse risques-bénéfices spécifique. Si l’examen est nécessaire pendant la grossesse, il reste recommandé de reporter l’examen au-delà du premier trimestre. En outre, l’utilisation d’appareils d’IRM avec un champ magnétique de 1.5T est vivement conseillé, car les niveaux de puissance radiofréquence sont susceptibles d’être plus élevés à 3T. Pour l’acquisition des images, il conviendrait de privilégier le modes « SAR faible » (Low SAR mode) si la région pelvienne est située dans le volume exploré ou le mode « normal » pour toute autre région anatomique 11.
Femmes enceintes en IRM : examens avec injection de produits de contraste
L’injection de produits de contraste à base de Gadolinium est fortement déconseillée pour les patientes enceintes. En effet, le passage de la barrière placentaire a été mise en évidence notamment chez les primates, avec des traces de produit de contraste restant présentes dans les reins du fœtus jusqu’à 45 heures après injection 15.
D’autre part, une étude rétrospective publiée en 2016 montre que l’injection de produits de contraste à base de Gadolinium est fortement corrélée avec le risque d’événements indésirables tel que les cas de morts-nés et de morts fœtales 14. Les sociétés savantes telles que l’American College of Radiology 16 ou la société française de neuroradiologie (SFNR) 17 déconseillent vivement d’injecter des produits de contraste à base de Gadolinium aux femmes enceintes. De plus, dans des situations d’urgence absolue définies par une analyse risques-bénéfices, l’utilisation des PCBG doit être limitée aux produits à molécules macrocycliques et avec l’administration de faibles doses.
Spin Up vous conseille et vous accompagne
En conclusion, si cela est nécessaire pour la patiente et que l’examen ne peut être reporté, l’imagerie par IRM peut être réalisée chez la femme enceinte sur la base d’analyse risques/bénéfices et en maintenant les niveaux de fonctionnement en mode « low SAR » ou en mode normal. L’utilisation de produits de contraste à base de Gadolinium est vivement déconseillée chez ces patientes, sauf en situation d’urgence absolue. Dans de telles situations, le produit de contraste doit être à molécule macrocyclique et administré dans de très faibles doses. La société SPIN UP met à votre service une équipe de physiciens spécialisés en IRM pour vous conseiller, former vos équipes et vous accompagner afin de prendre en charge vos patientes enceintes en toute sécurité.

Références

1: ICNIRP Guidelines on limits of exposure to static magnetic fields. Health Physics Society. 2010
2: ICNIRP Guidelines for limiting exposure to time-varying electric, magnetic and electromagnetic fields
(up to 300 GHz). Health Physics Society. 2010
3: Fraum T J et al. Gadolinium-based contrast agents: A comprehensive risk assessment. Journal of
Magnetic Resonance Imaging. 2017
4: Fox-Rawlings S, Zuckerman D. The Health risks of Gadolinium-based contrast agents used in MRIs.
National Center for Health Research. 2019
5: EMA restrictions on use of linear gadolinium agents in body scans:
https://www.ema.europa.eu/en/medicines/human/referrals/gadolinium-containing-contrast-agents
6: Kanda T et al. High signal intensity in the dentate nucleus and globus pallidus on unenhanced T1-
weighted MR images. Radiology. 2014
7: Maximova N et al. Hepatic Gadolinium deposition and reversibility after contrast agent-enhanced
MR imaging of pediatric hematopoietic stem cell transplant recipients. Radiology.
8: Roberts D R et al. High levels of Gadolinium deposition in the skin of a patient with normal renal
function. Investigative Radiology. 2016
9: Murata N et al. Macrocyclic and other non-group 1 Gadolinium contrast agents deposit low levels
of gadolinium in brain and bone tissue. Preliminary results from 9 patients with normal renal function.
Investigative Radiology. 2016
10: Hand J W et al. Prediction of Specific Absorption Rate in mother and fetus associated with MRI
examination during pregnancy. Magnetic Resonance in Medicine. 2006
11: Lum M and Tsiouris A J. MRI safety considerations during pregnancy. Clinical Imaging. 2020
12: Chartier A L et al. The safety of Maternal and fetal MRI at 3T. AJR. 2019
13: Strizek B et al. Safety of MR imaging at 1.5T in fetuses: A retrospective case-control study of birth
weights and the effects of acoustic noise. Radiology. 2015
14: Ray J G et al. Association between MRI exposure during pregnancy and fetal and childhood
outcomes. JAMA. 2016
15: Oh K Y et al. Gadolinium chelate contrast material in pregnancy: Fetal biodistribution in the
nonhuman primate. Radiology. 2015
16: ACR–SPR PRACTICE PARAMETER FOR THE SAFE AND OPTIMAL PERFORMANCE OF FETAL MAGNETIC
RESONANCE IMAGING (MRI). 2020
17: Lersy F et al. Consensus Guidelines of the french Society of Neuroradiology (SFNR) on the use of
Gadolinium-Based Contrast Agents (GBCAs) and related MRI protocols in Neuroradiology. Journal of
Neuroradiology. 2020

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